« Abstraction faite que mon corps est ma représentation, il n’est jamais que ma volonté. » – Schopenhauer  

Quoi ?

C’est à ces mots qu’aboutit le paragraphe 18 du Monde comme volonté et représentation, dont le thème est la place occupée par le corps dans la quête où se lance le sujet désireux d’approcher la vérité du monde. Disons-le d’emblée : il s’agit ici de penser le corps comme réalité fondamentalement pulsionnelle.

Pourquoi ?

Mon corps a une certaine densité : il prend forme dans le monde objectif, c’est-à-dire dans ce que Schopenhauer appelle le monde comme représentation. Et, pour mon corps, il en va de même que pour le monde : comme représentation, il est toujours déjà « ma représentation ». En effet, je me vois grand ou petit, me trouve beau ou laid…

Cependant, mon corps ne saurait être réduit à sa seule représentation. Comme tel, il est manifestation de la volonté ; et, plus précisément : puisqu’il est corps vivant, par différence d’avec les corps inertes (comme les cadavres), il est manifestation de la volonté entendue comme vouloir-vivre. Mon corps tend vers la vie – pensons à l’instinct de survie, dont chaque inspiration témoigne.

Mais il faut ajouter que mon corps, comme corps vivant, est, en outre, corps vécu ; ce corps qui est le mien, je le vis en première personne. Dès lors, si mon corps, outre qu’il est ma représentation, est manifestation de la volonté, il est plus encore manifestation de ma volonté.

Qui ?

Le corps vivant et vécu est en permanence mu par la volonté ; même lorsqu’il semble se mouvoir par lui-même. Mais ceci se donne mieux à voir dans les mouvements les plus tempêtueux – les affects.

L’individu en colère, l’individu amoureux ou encore l’individu attristé : tous sont affectés jusque dans leur chair ; par exemple, leur visage rougira et / ou leur respiration sera altérée à mesure que le sentiment s’intensifie : lequel sentiment est alors pleinement é-motion, c’est-à-dire ce qui met en mouvement 

Comment ?

La volonté est à concevoir comme un ensemble de tendances, dont chacune cherche à se réaliser dans et par la représentation. De fait, les tendances de la volonté sont de nature pulsionnelle – « pulsion » vient du latin pellere, qui signifie : « pousser, faire pression ». La volonté est une poussée vers la représentation.

Le cas de l’individu qui explose de colère en est une illustration : alors que la colère monte en lui, il la peut de moins en moins contenir, jusqu’à ce qu’elle se manifeste de plus en plus ostensiblement – d’abord par des gestes compulsifs (tapotement de pieds, agitation des doigts…), puis par des réactions corporelles (rougissement du visage, crispation des muscles faciaux…). 

Ce qui donne…

Être corporel, c’est être pulsionnel.

 

Une citation décryptée par Antonin Curioni Toutes ses publications

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

Articles similaires

Commencez à saisir votre recherche ci-dessus et pressez Entrée pour rechercher. ESC pour annuler.

Retour en haut