Pourquoi avons-nous besoin de sens ?

Il est, sur les réseaux sociaux, une question qui revient sans relâche : celle du sens. Sa nécessité apparaît, bien qu’il soit peu souvent défini, sinon pas du tout.

Synonyme de celle de la réalisation personnelle, cette question du sens touche plusieurs facettes, lesquelles rendent la définition du sens nécessaire : psychologique, sociologique, économique, éthique, spirituelle, etc. Or la question du sens est la question philosophique par excellence : Qui suis-je ? D’où est-ce que je viens ? Où vais-je ?

Dès lors, quels sens donner au sens ? Nous en dégageons trois : la sensation, la signification et l’orientation. La signification d’un travail apparaît dans son orientation, dans son utilité. Nous serions nombreux à ne plus sentir ce double sens de notre travail, et ce dans nos propres corps.

Cet article voudra donc explorer brièvement cette question sur deux aspects : celui de la raison, de son importance et celui des niveaux individuel, collectif et historique qu’elle articule.

L’urgence de la question du sens

Pourquoi vais-je travailler huit heures par jours, cinq jours sur sept, pour enrichir telle organisation ? Pourquoi faire des études pour me rendre compte que le métier pour lequel j’ai été formé m’ennuie à mourir (bore-out) ou m’épuise (burn-out) ? La question du sens n’est donc pas vaine, mais même urgente. Elle concerne notre santé elle-même.

Nous pouvons dire que l’objectif d’une entreprise est de faire du profit. Cependant, nous pouvons dire qu’elle ne génère du profit qu’en tant qu’elle a une utilité sociale : nourrir, aider, divertir,… N’est-il pas absurde, de se laisser dépasser par un besoin de profit et de croissance toujours plus élevé ? Or, si le profit est nécessaire pour la continuité d’une organisation, celui-ci consiste-t-il une fin en lui-même ? Le profit ne serait-il pas plutôt « pro-facere », pour-faire, un moyen ? Si la fin, mission ou raison d’être de l’organisation, son utilité ou sa valeur (d’usage ?) sociales est oubliée, n’aurions-nous pas affaire à une absurdité ?

Si le seul profit de l’organisation est recherché, il y a risque que le salarié vive une dissonance cognitive forte. Et au fond, qu’il se sente inutile,… Or si le sens, comme nous l’avons posé, est la question philosophique par excellence, semble-t-elle se poser quand nous avons perdu ce sens. D’autant plus que, hormis vocation ou passion préalable, ce sens ne nous est pas (plus ?) donné. En effet, la recherche de sens semble apparaître surtout lorsque l’on cherche sa voie, et  sa place professionnelle. Car une passion ou une vocation qui s’est présentée dès les études (ou même en dehors des études), ne demande en général pas de sens. Elle est le Sens !

Ainsi aujourd’hui nous sommes nombreux à chercher du sens. Ce sens que nous ne trouvons plus dans la société, les entreprises, les institutions. Alors nous le cherchons à un niveau individuel ou associatif. Et nous le cherchons pour nous donner une orientation, nous guider dans notre construction professionnelle.

Redonner du sens au sens : une question individuelle et politique

Le travail, par son importance dans notre vie, apparaît trouver sa signification et son orientation dans son utilité, économique certes, mais surtout sociale. Ceci nous permet ainsi de souligner deux dimensions par rapport au sens du travail : une dimension éthique et individuelle et une autre politique ou sociale.

Si une bonne part de notre activité consciente est occupée par le travail, nous pouvons comprendre qu’il possède une grande importance. Ne serait-il pas pertinent, pour qu’il ait un sens, que le travail soit un moyen de notre épanouissement ? Le travail, par les objectifs à atteindre qu’il pose peut être une occasion d’accomplissement. Dès lors, nous pouvons trouver sens ou motivation à notre travail dans la possibilité de se dépasser, de progresser, de donner le meilleur de soi, de développer ses ressources,…

Cette occasion de nous accomplir par le travail (à condition de ne pas être dévoyée par un management par objectifs qui nous mettrait dans une malsaine compétition les uns envers les autres) peut également apporter une forme de respect et de reconnaissance vis-à-vis d’autrui. Il s’agit donc d’être reconnu dans notre utilité, certes économique, mais aussi sociale. Il s’agit, par son travail de « créer de la valeur », « résoudre des problèmes », « transformer son environnement », « apporter quelque chose à la société »…

Le travail, vis-à-vis de soi et de l’autre, montreraient donc deux aspects d’un sens individuel. Or ce sens individuel touche à la question des valeurs, des principes qui comptent pour nous, que nous avons et que nous pouvons partager avec d’autres. Ainsi, le sens tourné vers l’accomplissement et le service à autrui semble mieux fonctionner lorsque les valeurs morales de l’organisation avec laquelle nous travaillons correspondent à nos valeurs éthiques personnelles.

Le lien social apparaît ainsi comme vecteur de sens pour notre travail. Le travail, bien que tourné vers des objectifs souvent économiques, n’en demeure pas moins souvent une activité collective et sociale. En plus de la joie de s’accomplir et d’être utile peut s’ajouter celle de se retrouver dans une équipe agréable autour d’un projet porteur de sens pour soi et pour les autres proposé par l’entreprise.

Le sens ainsi se construit à l’échelle individuelle, mais aussi collective. Et si la question du sens est celle de notre orientation, elle est aussi celle de notre histoire (voire de notre Histoire). Notre travail fait-il sens par rapport à notre passé (ou son souvenir) ou notre avenir (celui qu’on projette) ? Nous venons de quelque part, sommes déterminés en partie par notre naissance et les relations (pour ne pas dire famille) qui ont participé à notre éducation. Le passé peut donc nous éclairer sur le sens que nous donnons à notre travail et à l’avenir que nous voulons construire. Mais nous laissons ici cette question de l’histoire ouverte.

Comment se construit le sens ?

Le sens apparaît dans l’accomplissement de nous-même et notre utilité. Il peut être individuel, mais aussi se retrouver dans une collectivité : un groupe, le projet de société ou la vision d’un chef d’entreprise qui rencontre nos valeurs. Si un tel projet est partagé, alors il fait sens, et peut conforter le sens et les valeurs de ceux pour qui ce sens et ces valeurs résonnent (et sinon, tant que l’individu parvient à s’épanouir, ou est le mal ?). Il pourrait donc y avoir un accord, même temporaire, entre notre histoire personnelle et celle d’une organisation.

Ainsi, le sens se retrouve aussi au niveau de la société bien qu’il soit difficile à ressentir aujourd’hui ! Et cette perte de sens au niveau des structures comme les entreprises ou les États, doublée d’une période transformante et incertaine pourrait expliquer le besoin de trouver encore plus de sens actuellement au niveau individuel. Car le sens, en étant la signification de ce qu’on fait, est une orientation, et donc une boussole, un guide. Le perdre peut nous rendre à terme inapte au travail, par ennui ou fatigue. Il est donc vital de pouvoir le recouvrer et d’en faire un enjeu aussi bien pour l’individu que pour l’entreprise.

 

Un article par Martin Bolle Toutes ses publications et Laure Brignone Toutes ses publications

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