L’IA n’est-elle qu’un mythe qui s’essoufflera ? 

ChatGPT, Claude ou encore Midjourney, notre société accueille un nouveau genre d’habitant : l’IA. Si bien qu’aujourd’hui, cette dernière est l’objet de bien des fantasmes, de craintes et d’espoir.

Dans cet article, je vous propose de revenir sur la notion de conscience chez l’IA, avec la crainte de l’émergence d’une singularité, mais aussi sur la question de l’IA et du travail. En effet, si bon nombre d’activités peuvent être effectuées par l’intelligence artificielle, quel sera l’avenir du monde du travail ?

L’IA peut-elle devenir consciente?

Parmi les scénarios catastrophes concernant l’IA, il y a la possibilité de l’émergence d’une conscience dans les circuits imprimés de l’IA.

En effet, si vous avez déjà utilisé ChatGPT et que vous savez l’utiliser correctement, vous avez sans doute été bluffé par sa capacité à interagir avec vous.

On pourrait penser que vous ayez à faire avec un humain. Ce qui n’est pas sans rappeler le test d’Alan Turing (je vous recommande d’ailleurs le film Imitation Game).

Dans un article intitulé « Computing Machinery and Intelligence » Turing explique que se demander si les machines peuvent penser n’est pas une bonne question.

Tout d’abord, nous ne savons pas réellement ce que penser veut dire. C’est pourquoi il est plus judicieux de se demander si une machine peut exécuter quelque chose qui relève d’une forme de pensée, mais qui est différent de ce que peut faire un humain.

Autrement dit : une machine peut-elle copier un simulacre de pensée qui nous évoquerait un comportement humain ?

Dans son test, Turing imagine 3 individus notés A, B et C. A est un homme, B une femme et C un observateur (peu importe son genre).

C doit poser des questions par écrit à A et à B et doit deviner qui est un homme et qui est une femme.

B dit la vérité, mais A ment, se faisant passer pour ce qu’il n’est pas. Admettons qu’une machine prenne la place de A. Arriverait-elle à se faire passer pour ce qu’elle n’est pas ? Un humain.

Si oui, alors le test est réussi.

L’expérience de Turing a été très critiquée, notamment sur l’intentionnalité des réponses que peut avoir une machine. Une IA est capable de manipuler ou de se faire passer pour un humain dans ses réponses et interactions, mais ne peut pas en comprendre le sens. Par conséquent, pas de conscience en vue. Pour le moment…

Mais qu’entend-on par conscience justement ?

En philosophie de l’esprit, on considère qu’il y a deux représentants principaux sur la question de la conscience.

Daniel Dennet, un philosophe américain, considère que la conscience n’a rien de mystérieux. Elle est une loi de la nature que nous pourrons expliquer un jour comme nous avons expliqué la gravitation. De ce fait, au fur et à mesure des progrès technologiques, les IA auront une conscience comme vous et moi.

L’autre représentant est David Chalmers. Pour lui, nous ne pouvons pas expliquer la conscience et nous ne pourrons jamais le faire. C’est pourquoi il suggère que nous considérions la conscience comme une loi fondamentale, au même titre que la gravitation. Ainsi, tout ce qui existe possède un degré de conscience, vous, moi, un ver de terre et même un caillou. La conscience serait tout ce qui est constitué de matière, donc même un atome aurait un certain degré de conscience.

En tant qu’humains, nous sommes composés de différents organes qui, éparpillés, n’ont apparemment pas de conscience. C’est une fois assemblé en un corps que nous parvenons à avoir conscience de notre environnement.

Il est possible qu’un jour, dans un certain assemblage, les IA seront dotées de conscience.

Encore faut-il que ces IA prennent conscience de leur conscience. Pour le moment, aucune machine n’a conscience de ce qu’elle est en train de faire. Mais la majorité des humains non plus.

Que faire de tous ces futurs demandeurs d’emploi ?

D’après la banque d’investissement Goldman Sachs, ⅔ des emplois actuels pourraient être affectés directement ou indirectement par des automatisations réalisées par GPT-4.

Attention, ces données viennent d’une étude réalisée aux États-Unis et ne prennent pas en compte la faisabilité politique des avancées.

Néanmoins, force est de constater qu’au fur et à mesure du temps, la technique a évolué de telle sorte à ce qu’elle enlève la pénibilité de certains travaux, voire, les remplace. L’électricité a remplacé les allumeurs et le moteur à combustion les chevaux de trait.

C’est pourquoi la question n’est pas « Est-ce que l’IA va remplacer des emplois ? », mais « Quand ? »,  pour ensuite se demander « Que faire des personnes demandeuses d’emploi ? »

Autrement dit, à quoi va ressembler le monde du travail à l’ère de l’IA ?

La première difficulté sera d’enlever la valeur morale du travail et la course à la productivité. Ceci avait déjà été tenté par Paul Lafargue en 1880 dans Le Droit à la paresse dans lequel il revendique la journée de 3h.

En Europe occidentale, il y a une culture du travail qui pourrait se résumer ainsi : travailler c’est bien, il faut travailler dur pour avoir des résultats et plus vous travaillez dur, plus vous êtes une bonne personne.

Ainsi, le choix culturel de la valeur travail engendre un paradoxe que les travaux de philosophes comme Hartmut Rosa mettent en lumière. Dans un ouvrage intitulé Aliénation et accélération. Vers une théorie critique de la modernité tardive montre que la société occidentale s’accélère de telle sorte qu’il y a une tendance à vouloir faire de plus en plus de choses en moins en moins de temps. Si l’on peut empiriquement remarquer cela dans notre vie quotidienne, avec la sensation de courir après le temps, il en va de même pour le monde du travail.

En effet, les technologies permettent d’économiser de la main-d’œuvre et du temps, mais n’engendrent pas pour autant une diminution réelle du temps de travail. Au contraire, le nombre de tâches d’un employé au cours d’une journée se multiplie, là où embaucher une personne supplémentaire rendrait les journées plus viables. Par conséquent, une réserve de demandeurs d’emploi se crée étant donné que la demande est supérieure à l’offre.

Certes, l’IA va également créer de nouveaux emplois, mais nous pouvons envisager que cela risque de concerner avant tout des emplois peu qualifiés et sous-payés. Le même type d’emploi que l’IA risque de remplacer aujourd’hui.

Une solution pourrait être de travailler avec l’IA et non pour l’IA. Il faudrait considérer que l’humain ne soit ni inférieur ni supérieur à l’IA. Autrement dit, ni maître, ni esclave, mais « collègue ». D’où l’importance de comprendre comment cela fonctionne pour intervenir au cas où.

Si nous arrivons à accueillir l’IA comme on accueillerait un invité, on pourrait se retrouver dans une culture du travail hybride. Un graphiste ne sera pas remplacé par Midjourney mais travaillera avec. GPT-4 ne fera pas le boulot d’un créateur de contenu, mais sera son confrère.

Ce scénario collaboratif entre l’IA et l’humain laisserait tout de même plusieurs questions ouvertes :

Restera-t-il assez d’emploi pour tout le monde ? Travailler pourra-t-il devenir un choix et non une obligation pour survivre ?

Conclusion

L’IA est sans doute la 3e révolution du XXIe siècle avec l’apparition de l’ordinateur et d’Internet dans nos foyers.

Comme dans toute nouvelle apparition, par définition inconnue, il y a les early adopters qui s’empressent de tout comprendre, de l’utiliser et se demandent les opportunités qu’il y a à créer.

À l’opposé, il y a les laggards (trainards en français). Ce sont les personnes qui s’en fichent, ont peur, ou se sentent larguées.

Au milieu, il y a une sorte de no man’s land. Ces personnes ne savent pas trop quoi faire des IA, se demandent si c’est bien utile, ou se montrent plus prudentes.

Quoi qu’il en soit, la société a l’air de tendre vers l’inclusion de l’IA dans notre quotidien.

Les early adopters auront sans doute une longueur d’avance, tout dépend de l’usage qu’ils en font. Les laggards vont devoir se plier aux changements sociaux, de la même manière que ne pas avoir un ordinateur aujourd’hui est devenu handicapant.

Mais ce qui est sûr, c’est que l’IA n’est pas un mythe, une mode qui s’essoufflera, alors autant s’y intéresser.

Maîtrisons l’IA avant qu’elle ne nous maîtrise.

Un article par Simon Delannoy Toutes ses publications

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