Les récits post-apocalyptiques constituent une illustration parfaite de ce à quoi ressemblerait l’humanité soudainement privée de Léviathan pour la surplomber et illustrant la célèbre maxime « L’homme est un loup pour l’homme« . Le comic book The Walking Dead, scénarisé par Robert Kirkman et rendu célèbre par la série télévisée lancée en 2010, offre un aperçu de l’état de nature tel que Hobbes le décrit. Le roman La route de Cormac McCarthy (sorti en film en 2009), quant à lui, va encore plus loin que The Walking Dead dans cette guerre de tous contre tous, et décrit un monde où les hommes ne reconnaissent absolument plus leurs semblables…
The Walking Dead peint une situation où, face à une invasion massive de zombies, il n’y a plus d’Etat et de lois pour contrôler les hommes. Au final, le vrai danger vient des autres humains et les zombies sont plutôt accessoires…
C’est l’apocalypse et plus rien n’existe, mais Rick garde son chapeau
Rick, le personnage principal, est un shérif représentant une autorité qui n’existe plus… il se retrouve alors à devoir reconfigurer son rôle pour rester un leader malgré tout. En bon héros, il finit toujours par imposer son autorité et parvient à chaque fois à assoir son rôle de leader. Il conserve tout au long de l’histoire un petit groupe fidèle autour de lui – rappelant le système de meute, si on poursuit l’analogie avec les loups de Hobbes – où l’on ne fait confiance qu’aux siens. Il y a très peu de trahisons internes et le danger vient systématiquement de l’extérieur. On pourrait croire que la mise en péril de l’humanité amènerait les survivants à être solidaire… Pourtant c’est exactement l’inverse qui se produit et les désirs mégalomanes de chacun se révèlent au grand jour : c’est la loi du plus fort qui l’emporte.
La méfiance et la peur sont permanentes, on ne souffle jamais et tout s’enchaine à une vitesse folle. Le groupe ne reste jamais bien longtemps dans un endroit sécurisé et un danger finit toujours par surgir, chaque instant de répit cachant l’arrivée d’un nouveau drame. Si cet état de méfiance entraine une paranoïa permanente vis-à-vis des personnes extérieures au groupe, des alliances peuvent avoir lieu, même si elles sont compliquées.
Au final, même s’il n’y a plus d’Etat, la réelle guerre de tous contre tous s’estompe dès que les zombies arrivent, incarnant un ennemi commun qu’il faut surmonter ensemble, amenant les groupes de survivants à s’allier entre eux.
Dans La route, l’état de nature apparait sous un autre jour. D’apparence similaire à The Walking Dead de part sa dimension post-apocalyptique et l’effondrement de tout système étatique, le récit laisse les restes de l’humanité entièrement livrés à eux-mêmes. Les causes de l’effondrement ne sont jamais présentées clairement, laissant au lecteur le soin d’imaginer quelle catastrophe a être à son origine.
Dans ce roman, un homme et son fils parcourent seuls ce qu’il reste des Etats-Unis dans l’espoir d’atteindre la Côte Est, supposée être plus accueillante que les terres dévastées qu’ils traversent. Tout est recouvert d’une épaisse couche de poussière, il fait nuit en permanence en raison des cendres qui ont envahi l’atmosphère, et il est très difficile de trouver de la nourriture…
Dans ces conditions, le cannibalisme est monnaie courante : il est complètement impossible de constituer un groupe avec d’autres humains, puisque chacun est une proie potentielle. Il faut donc se débrouiller soi-même et faire preuve d’une vigilance constante… On retrouve alors finalement un état de nature tel que Hobbes le décrit, où les humains dépourvus de lois sont désespérément seuls et dans l’impossibilité de se lier à qui que ce soit. Pourtant, l’intrigue laisse de l’espoir, et nous fait dire que peut-être, dans très longtemps, tout finira par s’arranger.
Ces oeuvres de fiction nous fascinent plus que jamais et permettent de décrire les limites de notre humanité et notre civilisation. Même dans le chaos, il y apparait qu’il est toujours possible de constituer une communauté et une unité collective : l’humain ne peut s’empêcher d’être politique.
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