Les conférences citoyennes : comment inclure les citoyens dans la prise de décision politique ?

La conférence citoyenne est un dispositif de démocratie participative réunissant des citoyens tirés au sort, pour les amener à discuter ensemble et formuler des réponses à une question donnée. C’est faire appel aux individus et à leur “expertise du quotidien” : après tout, ce sont eux qui bénéficient des politiques publiques, alors autant leur demander leur avis directement !

CONCRÈTEMENT, COMMENT CA SE PASSE ?

Une conférence citoyenne a pour but de débattre autour d’un problème politique. L’objectif est de tirer de ces débats des propositions concrètes, à soumettre aux élus chargés de ces questions.

Aspect crucial pour ce dispositif, les participants sont préalablement été tirés au sort sur les listes électorales. A l’origine, la démocratie est avant tout un régime d’échange et de discussion, du moins sur le papier, mais pour cela il faut prévoir des espaces accessibles à tous et où chacun peut vraiment intervenir. On a souvent beaucoup d’idées sur ce qui manque et ce qui pourrait être amélioré, mais pas toujours l’occasion de l’exprimer : les conseils de quartiers sont systématiquement monopolisés par les mêmes personnes, tandis que ceux qui n’y sont pas familiers n’osent pas vraiment parler, quand ils prennent la peine de s’y déplacer… Tirer au sort, c’est inviter à l’action ceux qui ne le feraient pas autrement !

Mais alors attention, il ne s’agit pas de débattre dans le chaos le plus total : il y a quelques conditions à réunir pour avoir une discussion calme, de qualité, réellement productive et qui ne dérive pas vers les intérêts personnels des participants.

talk-about-politics_o_317254On ne parle pas si facilement de politique sans s’énerver

A la base de la démocratie délibérative, on considère qu’un débat public effectué dans de bonnes conditions doit répondre aux critères suivants :

  • Le respect de l’autre (on laisse les autres parler et on ne les juge pas)
  • L’argumentation (il ne s’agit pas de simplement exposer sa petite opinion personnelle, il faut justifier et expliquer)
  • L’inclusion des minorités (si c’est réalisé entre des hommes blancs, plutôt âgés, de catégories socioprofessionnelles supérieures, comme bon nombre de débats publics, vous vous doutez bien que ce n’est pas particulièrement représentatif de l’ensemble des citoyens)
  • La transparence (on ne cache rien sur le déroulement de la réunion et on met à disposition des participants toutes les informations nécessaires à la discussion)

Ce n’est pas du recueil d’opinion, c’est une analyse collective : les participants ont une idée en lien avec la question débattue et doivent la confronter aux autres, c’est une élaboration. A travers la discussion, les positions de chacun changent et on construit petit à petit un véritable programme politique !

BON C’EST BIEN GENTIL, MAIS LES ELUS SERVENT A QUOI DU COUP ?

Le principe du tirage au sort suppose que l’on retrouve autant de compétences chez un groupe d’individus pris au hasard que chez un élu. Du coup on en arrive à s’interroger sur l’utilité des élus et leur légitimité !

north koreaTu sais que t’es un bon leader quand t’es élu avec 100% des votes à ton élection complètement démocratique

Avec ce type de dispositif, on sous-entend que les élus ont plutôt tendance à prendre de mauvaises décisions dès lors qu’ils sont isolés. Comment choisir au mieux lorsque l’on est déconnecté de la vie quotidienne des citoyens ? Inclure directement les habitants en amont de la décision s’avère alors particulièrement vertueux :

  • Pour l’élu, la prise de décision est meilleure, puisque les habitants apportent eux-mêmes leur expertise : en étant en contact direct avec le terrain, on réduit largement les risques de se tromper, et on en tire même parfois des idées qui ne nous auraient pas effleuré l’esprit autrement !
  • Pour les citoyens, en jouant un rôle concret on comprend mieux comment se passe la mise en place d’une politique publique, quels sont les moyens disponibles et quelles contraintes il faut prendre en compte… autant d’aspects difficiles à saisir au premier abord.

La démocratie participative vise finalement replacer les élus dans leur rôle de représentants au sens strict : ils sont ici avant tout pour porter la parole des représentés, en leur nom, et non pas pour prendre des décisions arbitraires à leur place. Il s’agit d’écouter ce qui est demandé et de le retraduire ensuite concrètement.

CE SERAIT PAS UN PEU DÉMAGO TOUT CA QUAND MÊME ?

Les plus septiques sont quand même en droit de se demander si ce serait pas un peu du vent : si c’est juste consultatif, au final les élus peuvent choisir de totalement ignorer les propositions des participants, non ?

democracy worksEt après on leur a dit que la démocratie ça marche

Les politiques publiques peuvent être vues comme une boîte noire, absorbant les demandes des citoyens et recrachant actions et décisions, sans que l’on sache ce qu’il s’est réellement passé au milieu. En plus de ça, le temps politique est très long et il y a énormément de routines administratives, la moindre décision d’installer un banc peut prendre des années (surtout dans des grandes villes comme Paris).

Le but de ces conférences est aussi d’inclure au maximum les citoyens sur le long terme dans ce processus bureaucratique, au-delà des simples moments de discussion. Ils sont ainsi invités à rencontrer les services de la ville chargés d’appliquer concrètement leurs propositions, et à travailler directement avec eux : leurs idées auront donc un impact… mais sera visible d’ici quelques années !

 

Un article par Marianne Mercier Toutes ses publications

5 commentaires pour “Les conférences citoyennes : comment inclure les citoyens dans la prise de décision politique ?

  1. Un article très intéressant qui pose une question essentielle et tente d’y apporter une réponse: comment rénover notre démocratie qui en a tant besoin?

    Il rest toutefois à se demander si ces conférences citoyennes ne gagneraient pas davantage en s’adressant non seulement aux élus (ce qui est légitime), mais encore aux membres de la société civile (chefs d’entreprises, associations…) qui possèdent eux aussi une précieuse expertise.

  2. Ne serait-il pas judicieux de créer une “hiérarchie” dans la démocratie dite participative? => un conseil de quartier => un conseil de ville => un conseil de département, etc… Chacun composé de citoyens (où devrais-je dire d’électeurs, les deux termes ne sont plus si différents de nos jours) tirés au sort, etc… Pour remonter “la vraie vie” à tous les niveaux.

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