« Philosopher, c’est apprendre à mourir. » – Montaigne

Quoi ?

C’est bien joli de prétendre que la philosophie est une chose très importante, mais de quoi parle-t-on exactement quand on dit “faire de la philosophie” ? Dès qu’on cherche à définir cette étrange discipline, on se retrouve dans l’embarras.

Et s’il y a bien une définition “embarrassante” de ce que c’est que philosopher, c’est celle que donne Montaigne dans ses Essais (Livre I, chapitre 20) lorsqu’il nous dit que ce n’est rien d’autre qu’apprendre à mourir….

Pour Montaigne, la mort est une connaissance que nous avons et philosopher doit nous apprendre à affronter la vérité de notre mort. En philosophant, on obtient le courage non pas de vaincre la mort, mais plutôt de vivre plus fortement grâce à la conscience de notre finitude.

Pourquoi ?

Pourquoi avons-nous autant de mal à parler de notre mort et de celle des autres ? Pourquoi est-il tout de suite étrange de préparer sa mort en écrivant son testament ? Pourquoi est-il si difficile de passer du temps dans les maisons de retraite ?

Pour Montaigne, on ne peut juger de la vie d’un homme, du bonheur ou malheur de sa vie qu’au moment de sa mort, car jusqu’au dernier moment, on est jamais à l’abri de revers de fortune, en bien comme en mal. Et la mort est un point final dont on ne peut échapper : à quoi bon se torturer et angoisser de notre mort future, quand on ne peut strictement rien faire pour l’éviter ?

Contrairement aux idéalistes et rationalistes qui imaginent que philosopher est une action qui nous fait échapper à la mort, qui nous rend en un sens “éternel”, Montaigne inscrit la beauté de cette activité dans la finitude de nos existences.

En s’attachant au verbe, Montaigne définit ici l’action de philosopher, et non pas simplement la philosophie, ce qui donne à son propos une tournure très concrète.

Qui ?

  • Ceux qui se croient éternels.
  • Ceux qui, au contraire, fuient ou ont peur de la mort.

Comment ?

Rassurez-vous, Montaigne ne recommande à personne le suicide ni l’automutilation ! Il était beaucoup trop “bon vivant” pour ça.

Ôtons lui l’étrangeté, pratiquons la, accoutumons la” : en s’habituant à l’idée de la mort, en se rappelant qu’elle est la chose la plus simple et la plus commune, nous lui enlevons son caractère effrayant.

À tout instant, représentons la à notre imagination” : Montaigne recommande d’imaginer la mort qui nous pend au nez dans chaque “chute de tuile” ou dans chaque “piqûre d’épingle” (le tétanos n’est jamais loin !). En témoignent les innombrables morts insolites comme celle de Lully qui meurt de la gangrène en se tapant sur le pied pendant qu’il battait le rythme. Un peu morbide, certes, mais c’est un bon remède pour se rappeler que la mort n’arrive pas si souvent, et que lorsqu’elle arrive, on ne peut de toute manière rien pour l’éviter. Alors autant la regarder en face.

Cessez de penser que la privation de la vie est un mal : le plus fort enseignement pour Montaigne est d’arrêter de valoriser la vie sur la mort, car ce sont en réalité deux faces d’une même pièce. Selon lui, la préméditation de la mort est le meilleur moyen de devenir libre, en nous affranchissant de la plus forte de nos contraintes et peurs.

Ce qui donne…

Philosopher ne nous apprend pas à éviter la mort, mais nous donne le courage de l’affronter !

 

Une citation décryptée par Nicolas Bouteloup Toutes ses publications

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