Pour définir la philosophie, c’est l’étymologie grecque qui, souvent, est mobilisée en premier lieu : la philo-sophia, c’est l’amour (philo) de la sagesse (sophia). Il est alors d’emblée précisé qu’il ne s’agit là ni de l’amour-désir charnel (érôs, en grec, qui a pour équivalent latin amor ou cupiditas), ni de l’amour de l’attachement et de la tendresse (agapè, en grec, qui a pour équivalent latin caritas), mais plutôt de la philia, cet amour synonyme de la préoccupation pour son alter-ego et, donc, cet amour qui est originellement au fondement-même de la société – entendue comme groupe d’individus solidaires les uns des autres.
C’est donc par un amour décliné en altruisme que le philosophe serait lié à la sophia (sagesse). Il n’est donc pas sage, mais plutôt tend vers la sagesse.
Pour autant, qu’est-ce à dire ? Concrètement, qu’est-ce que philosopher ? Pourquoi et comment philosopher, a fortiori aujourd’hui ?
Au fondement de la philosophie, c’est-à-dire ce qui met le feu aux poudres de la pensée philosophique, il y a l’étonnement. Contrairement à la surprise, l’étonnement, c’est ce qui heurte le sujet et prend en lui une résonnance existentielle ; de là s’échafaude un raisonnement. C’est en ce sens qu’Aristote fait de l’étonnement le commencement de la philosophie :
« L’étonnement c’est le commencement de la philosophie » Aristote
Mais quoique l’étonnement nous tombe dessus sans trop que nous l’ayons cherché, il n’empêche que philosopher requiert une certaine méthode ; et, si lire des auteurs et apprendre des définitions de concepts s’avère nécessaire pour s’engager sur la voie de la réflexion philosophique, il n’empêche que ce n’est pas suffisant : encore faut-il philosopher et non pas seulement apprendre la philosophie. De là vient la mise en garde de Kant, en préambule de ses cours du semestre d’hiver 1765-1766.
« Il faut apprendre à philosopher et non pas la philosophie » – Kant
Et c’est précisément pour ce qu’apprendre la philosophie n’est pas philosopher qu’il faut distinguer entre l’histoire de la philosophie, qui est la voie classique lorsqu’on étudie la philosophie – par exemple, pour l’enseigner ensuite dans le système scolaire et / ou universitaire académique, et la philosophie. Quoiqu’il soit possible de dépasser la philosophie pour le philosopher, il n’empêche que nombreux sont ceux des connaisseurs de la philosophie qui ne s’affranchissent pas de leur encyclopédisme. Et c’est ce point que transcrit Thoreau – quoique d’une manière dont on pourrait interroger la radicalité : « il y a de nos jours des professeurs de philosophie, mais pas de philosophes ».
« Il y a de nos jours des professeurs de philosophie, mais pas de philosophe. » – Henry David Thoreau
Autant de considérations théoriques sur la philosophie et le geste philosophique qui conduisent à se questionner sur les pratiques de la philosophie. Et, ici, le pluriel a toute son importance ; c’est cette pluralité des pratiques de la philosophie que La Pause Philo explore, au quotidien.
De nos jours, qu’est-ce que philosopher ? Que dois-je faire, aujourd’hui, pour philosopher, si j’entends, par là, sortir des sentiers battus de la philosophie scolaire et universitaire et cheminer sur les sentiers de la philosophie pratique ? C’est comme à un état des lieux de la situation qu’a abouti l’enquête menée par La Pause Philo au printemps dernier et intitulée « quelle place pour les philosophes dans la cité ? ».
Quelle place pour les philosophes dans la cité ?
Dès lors, il apparaît qu’après un temps de retrait dans les salons, salles de cours ou amphithéâtres, la philosophie retourne arpenter les rues de la cité – in fine, comme il en allait dans la philosophie primordiale. Cette pratique en vogue est appelée « philosophie de terrain ».
Pour une philosophie de terrain, par Christiane Vollaire – Notes de lecture
Savoir les savoirs – L’entretien en philosophie de terrain
