Les entreprises et organisations cherchent à se régénérer et à retrouver la confiance des citoyens, des salariés et de la société dans son ensemble. Les attentes à leur égard n’ont jamais été aussi grandes qu’aujourd’hui.
Il y a une injonction nouvelle à ce qu’elles se mettent au service du « bien commun », qu’on pourrait définir comme l’ensemble des biens marchands, et non-marchands tels que les institutions, les biens culturels, et les services publics, qui participent au bien collectif, autrement dit au bien-vivre ensemble”.
Communauté spirituelle et morale
Si la notion de bien commun fait débat, la question n’est pas seulement économique, mais aussi et surtout philosophique. Il s’agit de savoir si l’économie est la base de la société, et si l’utilité est la raison d’être des relations humaines. Les êtres humains sont-ils faits pour la société, ou la société est-elle faite pour les êtres humains ?
Le bien commun est ce qui est profitable à long terme à l’ensemble des membres de la société, et ce qui soutient leur coexistence. Il désigne l’idée d’un bien patrimonial partagé par les membres d’une communauté, autant au sens spirituel et moral qu’au sens matériel et pratique.
Aristote affirmait qu’en dehors de toute société, l’homme n’est pas un homme. Dans La Politique, le philosophe grec affirme que la cité suppose « l’existence d’un bien commun ». Au XIIIe siècle Thomas d’Aquin a repris cette notion dans la Somme théologique. Selon le philosophe italien, maître de la philosophie scolastique, qui a tenté de concilier christianisme et pensée aristotélicienne, la parole est un bien pour chaque être humain, mais son usage ne peut se réaliser que dans ce bien commun qu’est la vie sociale.
L’entreprise comme bien commun
Il y a au moins plusieurs raisons pour lesquelles l’entreprise peut être considérée comme un bien commun. Parce qu’on passe de longues années sur son lieu de travail et que l’entreprise occupe une place essentielle, centrale, dans la vie en société ; qu’en son sein se tissent des liens affinitaires, d’amitié et de solidarité ; qu’on se livre à des activités et adhère à des valeurs communes, partage les mêmes conditions de travail voire la même vision du travail; parce que l’entreprise est inscrite dans un territoire, implantée au sein de communautés, intimement liée à des systèmes humains, économiques, sociaux et environnementaux, connectée à des écosystèmes qui lui permettent de prospérer.
Dans l’article « L’entreprise comme bien commun » (tiré de la Revue Interdisciplinaire Management, Homme & Entreprise, 2013/3 (n°7)), Desreumaux Alain et Bréchet Jean-Pierre, écrivent : « Pour les théoriciens du bien commun, la société est faite pour l’homme et non l’inverse, mais elle lui permet de se développer, de se réaliser, au-delà de ce qu’il pourrait faire de lui-même ou à lui seul. Pour l’individu, participer à la société ne revient pas à renoncer à son « bien » personnel mais au contraire à l’accomplir plus pleinement. »
Philosophie politique
La philosophie politique postule que la société est antérieure aux individus qui la constituent. Force est par conséquent d’admettre qu’il existe un lien entre le bien de chacun et le bien commun.
Cela signifie que la société dans son ensemble, avec ses institutions, entreprises, et organisations, ne doit pas se contenter de répondre aux intérêts de ses membres, mais aussi de concourir à leur bien. L’une des fonctions premières de la société est de favoriser la santé et le bien-être de tous ses membres, ainsi que leurs relations interindividuelles et sociales.
La notion de bien commun irrigue tout, depuis l’entreprise jusqu’à la politique et l’économie, en passant par la science, le droit, la justice, les inégalités sociales, ou les défis écologiques.
L’entreprise comme bien commun suscite l’espoir que l’idée de capitalisme éthique se mue en réalité. Le bien commun est en passe de devenir le nouveau sésame de la Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE). Au point de l’éclipser ?