Le commencement de la nouvelle année nous ravive les souvenirs de celle qui vient de s’achever et les images songées des prochaines à venir. Entre ces deux visions du temps, l’esprit se trouve comme enchanté dans un interstice temporel et ramené à sa nature hétérogène, issue de son enracinement dans la biographie, la psychologie, l’histoire. La fin de l’année expose l’esprit à la finitude et à la valeur de la vie active.
Penser le passage du temps permet de le savourer autrement : voilà un classique “moment” philosophique qui fait l’objet des réflexions des sages les plus connus. Examiner la vie au crible de notre montre engendre un bilan qui risque d’alourdir les perspectives d’action, car cette expérience jette une lumière sur le caractère transitoire de la vie, qui ne semble être faite que pour s’écouler. Or, ce qui expose à la finitude, ouvre aussi à une approche qui valorise l’intensité de l’expérience du temps, comme écrit Sénèque, en libérant des contraintes liées à la quantité et la durée.
« Tout nous échappe, il n’y a que le temps qui soit nôtre. » Sénèque
Prendre conscience de la relation interactive que l’esprit entretien avec le temps est crucial aussi, car cette relation permet d’éclairer de façon plus globale les limites et les possibilités de chaque individu par rapport à sa vie. Il ne peut pas tout faire, ni tout contrôler ou prévoir, mais cela ne lui empêche pas de tendre vers la paix de l’âme, comme le dit le stoïcien Epictète.
« Il y a des choses qui dépendent de nous et d’autres qui ne dépendent pas de nous. » Epictète
La vie n’est pas qu’une question de temps ni de choses à accomplir, loin de là : il s’agit plutôt d’opérer ses propres choix en rapport au fait que ce qui caractérise la qualité de la vie humaine réside dans la nécessité de faire de choix. Socrate est certainement la figure qui a su ne pas seulement penser cela mais aussi le mettre en action au sein de sa communauté…
« L’important n’est pas de vivre mais de vivre bien » Socrate
Sur la base de ces intuitions, l’on voit combien la pensée philosophique se construit avec l’apport des problématiques et des solutions issues de la vie active. C’est justement en s’appuyant sur le champ des possibles “à faire” que l’équilibre entre la fuite du temps et la conduite d’une vie épanouissante peut s’établir.
Il s’agit alors pour Kant de créer une pensée autonome, capable de réfléchir audacieusement le monde.
« Sapere Aude » Kant
De manière complémentaire, il s’agit pour Mark Twain de dépasser les a priori sociaux et les modèles hérités de la tradition pour créer des nouveaux possibles … en agissant.