Penser le futur, c’est penser le passé composé – Coin lecture

Les chroniques livres de La Pause Philo sont toujours l’occasion de découvrir les nouveautés mais aussi de ne pas négliger les autres publications qui ne font pas partie de « la rentrée littéraire » si attendue. Pour répondre à certains questionnements contemporains, il est impératif de regarder l’histoire de la philosophie tel un athlète de saut en longueur. Nous ferions quelques pas de recul, nous engagerions une course progressive pour enfin prendre appui et nous élancer au plus loin. Le tout est de ne pas louper la réception au regard des défis qui nous attendent.

En matière d’histoire de la philosophie, Le Monde de Sophie Tome 2 (Albin Michel) est arrivé ! Le Tome 1 dont nous avions parlé, La philo, de Socrate à Galilée laissait Sophie dans la perspective de se libérer enfin et de « prendre sa vie en main ». Dans cette suite et fin que nous propose Nicoby, Vincent Zabus et Philippe Ory, Sophie s’attache à trouver son Libre-arbitre. La Philo, de Descartes à nos jours montre avec humour et profondeur, comment se détacher des marionnettistes qui nous guident bien malgré nous. Une belle performance d’adaptation du roman de Jostein Gaarder ! Que vous ayez 7 ans ou 107 ans, ce nouvel opus est fait pour vous, précipitez-vous !

 

Le travail philosophique est-il de discuter avec soi-même dans un grand solipsisme ou de se confronter à la pensée multiple sur un même sujet ? Il est possible de ne pas choisir entre ces deux propositions mais bien plutôt d’affirmer que c’est un savant mélange réflexif de ces deux propositions. Quoi de mieux que des ouvrages collectifs où plusieurs auteurs parlent, échangent, conversent et permettent aux lecteurs de se faire une idée parmi la multitude. Les Editions de l’Aube publient régulièrement des ouvrages collectifs qui mettent en lumière des problématiques contemporaines. Certains ont retenu mon attention car ils posent des questions qui nous invitent à penser le futur. Peut-on croire au progrès ? Vivons-nous dans un monde trop rapide qui ne valorise pas assez la Pause comme mode réflexif ? La démocratie est-elle une Zone à Défendre ? La créolisation est-elle une « philosophie de la relation » ?

Dans Peut-on encore croire au progrès, Jean Viard, Etienne Klein, Cynthia Fleury et bien d’autres tentent de répondre à cette question en s’interrogeant sur la notion de Temps. Le progrès est-il un mouvement inéluctable, une croyance, une perspective positive du futur ou une voie d’accès au bonheur ? Vers ce « progrès » qui est en marche, il est indispensable de nous interroger sur le monde tel qu’il est, fait d’immédiateté, de rapidité et d’accélération grandissante. Entre le progrès qui n’est pas forcément synonyme d’évolution positive et temporalité il n’y a qu’un pas que nous pouvons franchir avec l’ouvrage suivant.

Dans Pour en finir avec la vitesse, plaidoyer pour la vie en proximité (Mikros Essai) Nicolas Mathieu, Tom Dubois, Christophe Gay, Vincent Kaufmann et Sylvie Landriève interrogent nos modes de vie rendus possibles par le progrès technique et technologique mais aussi par une mondialisation et des offres de voyages de plus en plus accessibles. La vitesse est-elle un avantage ou un inconvénient pour la nature qui nous entoure, pour les individus que nous sommes ? Est-il encore possible de ralentir la tyrannie que nous avons nous-mêmes créée ? Autant de questions auxquelles les auteurs tentent de répondre dans ce petit ouvrage qui montre Les vies qu’on mène sans le savoir. Notre temps de Pause est-il une ZAD qu’il faudrait défendre ? Sans doute, mais cela nous amène sur d’autres terrains.

Si Jean François Bouthors qualifie la démocratie de Zone à Défendre ! c’est qu’il est sans doute tant de se questionner sur ce qu’elle est, ses fondements et ses origines et ce vers quoi elle se dirige aujourd’hui. Les mouvements du monde, tel que ce dernier se présente à nous, bousculent notre représentation de la Liberté. Les difficultés économiques, les mouvements migratoires, les guerres belliqueuses fragilisent notre rapport à la fraternité, à l’Autre et remettent au goût du jour des pensées politiques qui ont plus à voir avec des idéologies d’un passé obscurantiste qu’avec celui des Lumières dont nous aurions grand besoin.

Ainsi, repenser notre monde serait possible si et seulement si nous dialoguions, nous échangions sans a priori sur des sujets qui cristallisent, avant même d’en débattre, des idées préconçues et de fausses définitions. C’est ce que propose Aliocha Wald Lasowski dans Imaginaire et politique de la créolisation, Édouard Glissant et nous. En réunissant 35 échanges dans le même ouvrage, l’auteur questionnent philosophes, écrivains, responsables politiques et bien d’autres encore sur l’œuvre et la pensée d’Edouard Glissant. Sur ce qu’est le « Tout-monde » et sa « philosophie de la relation », sur ce que veut dire « créolisation », terme polémique qui renferme bien plus que ce qu’il n’y parait et que ce que l’on veut bien lui faire dire. Un ouvrage qui a le mérite d’ouvrir un débat apaisé.

 

Afin de terminer cette chronique si foisonnante, il faut souligner l’une des questions que se pose Sophie dans son Monde illustré dont nous parlions plus avant : qui sommes-nous ? Dans Les temps intimes, genre, sexe et Quinoa, Guénaëlle Gault, Eva Illouz, Sandra Laugier et Daisy Letourneur abordent sans détours des thématiques qui inondent autant nos esprits que nos assiettes. Que ce soit à notre table qu’à celle de la classe politique. L’identité sexuelle, la masculinité et les questions de genres, notre appétit de séries, ce que nous mangeons sont autant de sujets de société, mais disent-ils quelque chose sur nous-mêmes qui la composons ? Bonne question, à laquelle il est possible de répondre par de petits textes percutants.

Enfin, faire société c’est avoir à l’esprit la devise que nul de peut ignorer et qui reflète l’esprit français depuis 1789. 1848, 1879, 1880 sont autant de dates réaffirmant Liberté, Egalité, Fraternité. Avec des illustrations de Pascal Lemaître, Cynthia Fleury, Mona Ozouf, Michelle Perrot interrogent les rapports humains en questionnant ces trois termes et leur dynamique. Philosophie et histoire se mêlent dans ces questions-réponses pour donner du Sens à cette devise, signification et direction salutaire en nos temps si troublés.

 

Une recension par Sophie Sendra Toutes ses publications

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