Voter blanc / nul est un geste symbolique qui peine à se faire reconnaître. Alors que nous faisons l’effort de se déplacer jusqu’au bureau de vote, nous décidons finalement de ne pas donner notre voix à un candidat : que signifie cet acte ?
COMMENÇONS PAR UN PETIT DÉTOUR HISTORIQUE…
D’abord, demandons-nous pourquoi nous en sommes arrivés là et à partir de quels critères les votes blancs/nuls ont été définis. Les règles actuelles du vote et de ce qui est considéré comme un bulletin valable ne vont pas de soi…
Cette forme n’a pas toujours existé historiquement, on pouvait au début de l’apparition des scrutins voter par corporation/corps de métier par exemple. Aussi, le secret qui entoure l’acte n’a pas toujours été de mise, il était par exemple possible de voter à main levée dans une grande assemblée.
C’est sous la IIIe République et la mise en place du suffrage universel masculin que le vote a véritablement été institué comme acte individuel et secret, afin de garantir sa sincérité, sans qu’il soit influencé par l’environnement social.
La mise en place d’un tel système de vote n’avait rien d’intuitif pour les électeurs et il leur a fallu apprendre à voter ! Les premiers bulletins n’avaient rien à voir avec ce que nous connaissons actuellement et c’était aux citoyens de les remplir eux-mêmes en y inscrivant uniquement le nom du candidat de leur choix : toute annotation ou commentaire rendaient le vote nul. Pourtant, puisqu’on leur demandait d’écrire leur avis, il semblait naturel de vouloir l’expliquer un peu ! Seulement, cette option n’a pas été retenue : si tout le monde se met à écrire un roman sur son bout de papier, on ne s’en sort plus et ça devient l’enfer pour comptabiliser les voix.
Je vais pas toujours voter, mais quand je le fais je ramène mes crayons
Avec l’annulation des bulletins jugés invalides, la standardisation des bulletins de vote a été encouragée, jusqu’à atteindre la forme que nous connaissons à l’heure actuelle. Les autres formes d’expressions politiques, où l’on justifie et développe les motivations de nos choix, ne sont plus jugées compatibles avec cette technique de recensement de l’opinion qu’est le vote : au final, voter s’avère être d’une grande pauvreté expressive.
LE VOTE BLANC ET LE VOTE NUL, C’EST QUOI LA DIFFÉRENCE ?
Est considéré nul un vote où seraient rajoutées des annotations, où il y aurait plusieurs bulletins au lieu d’un, un bulletin déchiré, un bulletin au nom d’une personne qui ne se présente pas… Il peut être difficile de savoir si l’acte est délibéré ou non (il peut arriver de déchirer par inadvertance son bulletin), mais dans la plupart des cas, cela exprime bel et bien un refus de choisir… Nous sommes loin des usages maladroits des bulletins de la IIIe République, il s’agit ici de l’expression d’une opinion à part entière.
Le vote blanc est une forme de vote nul, où l’on rend une enveloppe vide, ou bien où l’on met un bulletin blanc (que l’on amène nous-mêmes car il n’est pas fourni par le bureau de vote). C’est un acte délibéré où l’on choisit de ne voter pour personne. Ce refus de choisir permet de contester ce qui est proposé.
Les votes blancs/nuls ne sont pas comptabilisés dans les résultats finaux des élections, ce qui fait l’objet de nombreuses revendications : même s’ils ne sont pas considérés légitimes, ils restent tout de même l’expression d’une opinion.
VOTE BLANC/NUL VS. ABSTENTION
Dans le contexte actuel de crise de la démocratie représentative, où les taux d’abstention ne cessent d’augmenter, le vote est considéré comme un moyen d’expression particulièrement pauvre et offre un sentiment d’impuissance à beaucoup d’électeurs. Ce sentiment explique pour une large part le désintéressement de plus en plus grand des citoyens à aller dans les bureaux de vote, alors même qu’ils peuvent être par ailleurs engagés dans des structures militantes : bien souvent, ce n’est pas le manque d’intérêt envers la politique qui est en cause, mais bien autre chose, la sensation de ne pas pouvoir vraiment s’exprimer et qu’au final cet acte ne sert à rien.
L’abstention peut venir de très nombreuses raisons, ce n’est pas forcément lié à la compétence politique des individus : on peut très bien refuser de voter en toute connaissance de cause et en étant très politisé par ailleurs.
Voter blanc ou nul se situe sur un tout autre plan que l’abstention, puisque l’on se déplace jusqu’au bureau de vote malgré tout. Un paradoxe au premier abord, car si le contenu de l’élection est réfuté, la forme elle-même n’est pas remise en cause : le vote blanc/nul vient d’électeurs qui contestent simplement l’offre proposée, sans refuser les principes de la démocratie représentative. Ce n’est pas parce que les candidats du jour ne nous plaisent pas qu’on abandonne l’idée qu’une amélioration est possible !
Un article par Marianne Mercier Toutes ses publications
Pour plus d’informations :
- L’annulation des bulletins de vote sous la IIIe république, par Yves Déloye et Olivier Ihl http://www.persee.fr/doc/polix_0295-2319_1991_num_4_15_1462
- Le site du parti du vote blanc http://www.parti-du-vote-blanc.fr/